10 ans après le lancement de sa propre marque, on sent le changement de focale chez le designer “parisien-allemand”, qui a longtemps été le bras droit de Martin Margiela. « Cette collection, c’est ma retranscription de mon ressenti de l’époque.»
Pour Lutz Huelle, cette nouvelle collection est une continuité logique de l’hiver. « J’avais le sentiment que c’était la collection parfaite pour ce moment donné dans le temps et la société, une suite émotionnelle et technique cohérente d’une saison à l’autre. On ne peut pas réinventer le monde à chaque fois, et je ne suis même pas sûr que cela soit souhaitable. »
Ses vêtements classiques complètement démontés et réinventés, la veste en jean qui devient une robe manteau, ouverte sur le côté en trompe-l’œil, ses vestes tirées du vestiaire masculin agrémentées de col en V qui rappellent d’amples cardigans, le trench redessiné avec des épaules repliées qui prend un tout autre volume, envoient autre message, racontent une histoire différente. Il crée un langage innovant, car « avec un léger changement, même le vêtement le plus courant devient un statement. On bouge un détail, et en réalité, on refond tout. » En réalité, on refonde tout. Par exemple, le motif camouflage, normalement destiné à rendre invisible, prend toute la place dans l’image lorsqu’on le ganse de fushia. « C’est l’illustration du petit détail qui change le sens de l’ensemble. C’est extrêmement visuel, et ça imbrique deux mondes diamétralement opposés. C’est le même processus pour la parka militaire, coupée avec son col en V, sur laquelle j’ai ajouté la même ligne rose shocking”.
Les coupes en biais sont pensées pour tous les moments, tous les lieux, pour tout ce qu’on veut. « C’est soir, c’est jour, c’est chic, c’est sport, c’est masculin, c’est féminin. » Le vêtement à dimensions multiples, c’est aussi l’avenir de la mode. Les cadres transversaux qui s’assouplissent, les codes de demain qui remplacent les redites d’aujourd’hui.